Aller au contenu
Rechercher dans
  • Plus d’options…
Rechercher les résultats qui contiennent…
Rechercher les résultats dans…
Marine-perruche

La dominance chez l'oiseau : fiction et interprétation

Messages recommandés

La lutte pour la dominance : fiction ou réalité ?
Le point de vue de l'oiseau


Docteur S.G. Friedman, Utah, et Bobbi Brinker, Ohio

Publié in Original Flying Machine, Numéro 6 : Mai/Juin 2001
Traduit par Dominique Le-Weller sur http://www.behaviorworks.org
Extrait de : http://www.behaviorworks.org/files/translations/The%20Struggle%20for%20Dominance%20-%20French%20Translation.pdf



Dans le champ de la psychologie, une distinction importante est faite entre comportements et interprétations. Dans ce contexte le comportement décrit ce que l'oiseau fait, ce qui peut être observé et mesuré. Nous pouvons voir et compter le nombre de fois où l'oiseau s'envole de son perchoir, et nous pouvons écouter et mesurer l'intensité et la durée des cris d'un oiseau. L'interprétation quant à elle exprime une idée, une théorie sur les processus mentaux qui explique pourquoi ou comment les oiseaux agissent ainsi. L'interprétation ne peut donc pas être observée ou mesurée directement. Ces explications théoriques sont « construites », nous analysons avec nos sens des comportements visibles et mesurables. Vous ne pouvez pas toucher ou mesurer la dominance d'un oiseau par exemple, mais vous pouvez comptez le nombre de fois qu'il vous pince lorsque vous essayez de le faire descendre du toit de sa cage. Exercer la domination par la hauteur, dominer dans la cage, dominer pour sa nourriture, dominer dans le groupe sont des exemples de discussions où ces interprétations sont communément admises pour expliquer les comportements des perroquets de compagnie.

De l'aveu général le jargon spécialisé, tel celui de l'interprétation ( ou de la représentation ), pourrait représenter un tournant majeur, et bien souvent l'éclaircissement apporté par ces concepts paraît si simple qu'il mérite qu'on s'y attarde. La distinction entre comportements et interprétations est à englober dans un domaine plus large pour mieux comprendre le comportement des perroquets de compagnie. Bien sûr, notre objectif reste le même : mieux interpréter les comportements de nos oiseaux pour tâcher de comprendre et essayer de résoudre les problèmes qu'ils rencontrent en partageant notre vie.


Je Ne Peux Vivre Avec Eux, Je ne Peux Vivre Sans Eux !

Les interprétations sont utiles. Lorsque nous observons ce qui nous semble être une succession de comportements il est à la fois efficace et nécessaire de les synthétiser pour les classifier. Par exemple, il est bien plus succinct de dire qu'un oiseau présente des comportements de nidification que de décrire chaque étape de l'ensemble du comportement. Cela prendrait des heures s'il fallait décrire avec précision chaque étape de chaque comportement spécifique du surprenant Gris du Gabon Alex de Irène Pepperberg, si nous cherchons simplement à affirmer que cet oiseau est très intelligent. Les oiseaux sont affectueux, athlétiques, craintifs, fous; chacune de ces interprétations nous permet de décrire en un seul mot une grande quantité d'informations à leur sujet.

Pourtant, malgré leurs apparentes utilités, les interprétations présentent de sérieux obstacles à la compréhension des comportements ( les humains et les perroquets sont sur ce plan identiques ). Le premier problème apparaît avec le grand choix de qualificatifs qui, telle une image, peuvent regrouper des milliers de mots et 'émotions. Ce catalogage donne une impression de valeur à ce qu'il décrit. Ces impressions nous prédisposent – non, nous portent préjudice – à interpréter les comportements de manière positive ou négative. Par exemple, certaines personnes décrivent les Cacatoès comme très câlins alors que pour d'autres ce même trait de caractère évoque plutôt une très forte dépendance. Les Gris du Gabon sont-ils distants et indépendants ? Ces traits de caractère sont-ils positifs ou négatifs? Devons-nous les changer ou les accepter ? Le deuxième problème lorsqu'on pense en termes de représentations mentales plutôt qu'en termes de comportements observables est la vérifiabilité. Puisqu'ils décrivent des interprétations intangibles ils ne sont ni directement observables ni quantifiables. Il est difficile de savoir, pour une interprétation donnée, si nous avons affaire à une vérité explicative ou à une fiction explicative. Par exemple l'oiseau qui nous pince du haut de sa cage, présente-t-il un comportement dominant de hauteur, de la peur ou un simple mécontentement à l'idée d'être dérangé ou déplacé ? Comment savoir ? Comme nous venons de le voir, il n'y a qu'un petit pas à franchir, mais qui peut être lourd de conséquence, dans la logique et non dans la science, pour passer des comportements observables à l'interprétation et il n'y a pas de moyens infaillibles de contrôle.

Finalement, le troisième problème avec les interprétations c'est qu'elles sont fortement liées à notre génétique, notre propre culture et notre subjectivité propre : c'est le Point de Vue de l'Humain. Pour la majorité d'entre nous, penser en-dehors de la traditionnelle « boîte » pour véritablement comprendre un enfant, un conjoint ou un ami est très difficile. Penser en-dehors de notre propre taxonomie, d'Homo sapiens aux Grands Singes, est un challenge extraordinaire. Tenter d'accroitre notre connaissance des oiseaux en élaborant des interprétations issues d'expériences humaines peut être lourd de conséquences. D'un côté les perroquets ont besoin de toute l'humanité que nous pouvons leur offrir pour bien se développer dans nos foyers, et d'un autre côté notre raisonnement d'humain nous conduit souvent à répondre et à intervenir d'une manière inappropriée, voire blessante. Par exemple, il n'est pas rare pour le nouveau propriétaire de perroquet de punir son oiseau alors qu'il s'agissait simplement pour l'oiseau d'explorer avec son bec.


Les Origines de la Théorie de la Dominance

Dans la communauté des amis des perroquets de compagnie, il est communément admis que nos oiseaux veulent nous dominer. De nombreuses personnes ont décrit les perroquets de compagnie en termes de monstres du contrôle, pétris de complexes d'autorités, qui ne songent qu'à nous soumettre et gagner le combat pour la domination. C'est la répétition et la diffusion désinvolte de cette idée purement subjective et calquée sur les sentiments humains, qui a valu à nos perroquets de compagnie leur statut d'oiseaux indociles.

Bizarrement, cette interprétation de la dominance persiste malgré l'absence de preuves des ornithologues, des biologistes et des éthologues aviaires qui étudient les perroquets sauvages. Apparemment dans leur habitat naturel, il n'existe pas de perroquet Alpha ou de groupes hiérarchisés. Les querelles qui peuvent survenir entre perroquets sont plutôt inhabituelles et brèves. La vie sauvage n'est pas aussi nette que celle que nous avons à offrir dans notre monde.

Cela vaut la peine de noter que, comme nous propriétaires de perroquets de compagnie, les biologistes doivent également se discipliner pour résister à la tendance d'aller au-delà des comportements observables, dans le royaume des fictions explicatives. L'histoire des sciences est pleine de ces erreurs d'interprétations, et ce, quel que soit les champs d'étude.

Il semble que l'origine principale de l'explication de la dominance appliquée aux perroquets de compagnie n'est que la projection de notre propre tendance à la domination. Après tout,nous sommes des contrôleurs efficaces, et le comportement hiérarchique que nous attribuons à notre oiseau, qui peut-être ne demande qu'à se rapprocher de nous, est une interprétation humaine de la pensée des oiseaux. Ce n'est pas sans une certaine logique, il y a une utilité certaine, mais est-ce la meilleure manière d'appréhender nos perroquets de compagnie ? L'utilité et la logique ne sont pas suffisants pour progresser dans la compréhension de nos oiseaux, nous devons adopter une approche pluri-disciplinaire. Cette approche qui n'était pas aisée dans le passé, est de nos jours plus actuelle que jamais.


Et Alors ?

Fournir des explications sont de simples théories pour justifier les comportements, et il est tout à fait louable de se questionner sur ces agitations. Pourtant, la manière dont nous répondons à nos oiseaux est fortement influencée par notre représentation subjective lorsqu'ils réagissent à nos demandes. Interpréter un comportement indocile de notre oiseau, faire de ce comportement une lutte pour la dominance, nous conduit tout naturellement à réagir en termes de confrontation, nous prenons le gant, nous nous saisissons de l'oiseau et lui montrons qui commande à la maison. Quelle aurait été notre réponse si nous avions interprété le refus de notre oiseau à notre requête, comme de la peur, ou comme une réaction appropriée de l'oiseau de rester sur ses gardes, ou comme un sentiment d'ennui face à nos intrusions trop fréquentes. Lorsqu'on se méprend sur ce qui motive les comportements on passe à côté d'une opportunité d'apprentissage et par là même d'une réelle probabilité d'apporter une réponse appropriée et efficace. Ce point de vue sera, je l'espère, éclairci par cette histoire stupide empruntée à notre environnement familier. Nous connaissons des parents désespérés dont la fille de 3 ans refuse de se brosser les dents. Chaque soir, lorsqu'on lui demande d'aller se coucher, la fillette grimpe à l'échelle et se cache dans le coin de son lit surélevé le plus éloigné. Un soir, alors que sa mère se hissait pour attraper la fillette, celle-ci la mordit ! C'était la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Les parents ne pouvaient ni tolérer un tel affront, ni se soumettre à l'obstination de leur enfant, qui visiblement venait de constater que, de la hauteur de son lit, elle devenait la personne dominante de la maison ! Les parents reprirent le contrôle et demandèrent à la fillette de se coucher sur un futon : elle ne serait plus jamais plus haute que ses parents ! Néanmoins elle refusait toujours de se brosser les dents, simplement elle mordait moins souvent...

Considérons le point suivant : lorsque vous voulez déplacer votre oiseau de son aire de jeu situé au sommet de sa cage, essayez-vous de le dominer ou avez-vous simplement à l'esprit un autre emplacement pour votre oiseau ? Quelle différence cela fera-t-il si l'oiseau décline votre proposition d'être déplacé ?


Le Point

Le point soulevé par cet article n'est pas de suggérer que les perroquets devraient être autorisés à mordre, crier, s'envoler de votre main ou n'interagir qu'avec une seule personne de la famille. Pour être un compagnon à succès un oiseau ne devrait généralement exhiber aucun de ces comportements. Pas plus que cet article ne suggère que le comportement de domination est complètement absent chez nos perroquets en captivité. L'objet de cet article de montrer comment mettre en place un répertoire de comportements chez nos perroquets de compagnie.

Au fil des années plusieurs stratégies ont été recommandées pour permettre de décroître la dominance du perroquet de compagnie. Par exemple pour contrôler la dominance par la hauteur il faut abaisser les perchoirs à hauteur des yeux de la personne la plus petite de la maison; pour réduire le comportement territorial ( la dominance de la cage ) ne retirez pas votre doigt de la cage lorsque le perroquet vous mord, et pour casser la dominance dans le groupe, ne tenez jamais votre perroquet plus haut que votre cœur. Toutes ces stratégies peuvent avoir un effet sur les comportements de l'oiseau mais ils ne sont ni nécessaires, ni souhaitables sur le long terme. Le plus important est que ces stratégies ne constituent pas une réponse adéquate aux motivations de l'oiseau. Les auteurs de l'article ont un total de neuf perroquets de 1 à 13 ans. Dans ces deux groupes on trouve un Gris du Timneh et un Gris du Gabon, Psittacus erithacus Timneh et Psittacus erithacus erithacus, un Ara Sévère, Ara severa, une perruche Grand Alexandre, Psittacula eupatria, un Cacatoès Alba, Cacatura alba, une perruche ondulée, Melopsittacus undulatus, et un inséparable, Agapornis. Aucun d'eux ne refuse de descendre du toit de sa cage et tous peuvent être cajolés et bisoutés sur les pattes par tous les membres de la famille, y compris les deux enfants. Nous continuons à travailler avec les oiseaux les plus jeunes pour les aider à exprimer leur insatisfaction avec leur voix et non par des morsures, et nous continuons à développer leur confiance pour que les interactions avec les amis et des personnes étrangères soient les plus plaisantes possible. Rien ne s'est fait en une nuit, tout a été accompli en l'absence totale de force et de domination.


Éclaircissements et Stratégies

L'art et la manière d'enseigner et le résultat de l'observation et des méthodes de communication. A chaque interaction vous et votre oiseau communiquez l'un à l'autre vos besoins personnels, vos désirs et votre attachement. Le but est d'utiliser cette communication pour obtenir le comportement adéquat, non pas en contrôlant l'oiseau mais en contrôlant les étapes de l'apprentissage. Essayez de changer d'attitude et soyez bluffé par leur volonté de coopérer ! Ne perdez jamais cette sensation de respect mêlée d'admiration que vous avez éprouvé les premiers jours avec votre perroquet.

Pour concevoir des stratégies spécifiques focalisez-vous sur un comportement particulier plutôt que sur des interprétations. Pour réussir un apprentissage, deviner ce qui se trâme dans le cerveau d'un perroquet est un luxe, pas une nécessité. Analyser les antécédents, c'est à dire les évènements qui se produisent juste avant que le perroquet n'agisse et voyez comment vous pouvez les modifier pour faciliter le contact avec lui. Observez attentivement les conséquences qui suivent immédiatement chaque comportement spécifique et tâchez de ne récompenser que les comportements désirables.

Analysons l'exemple suivant. Nous avons souvent été frustrés par notre oiseau, qui du haut de sa cage ou de son perchoir, refuse de monter sur la main que nous lui tendons. Nous estimons qu'un oiseau devrait obtempérer parce que de notre point de vue, il n'y a rien qui puisse effrayer l'oiseau, ou rien qui ne devrait être évité. Comme dans le cas de la fillette de nos amis il y a de nombreuses raisons valables qui font que l'oiseau devrait venir sur notre main, pourtant, lui pense le contraire. Posez-vous la question, quel est l'enjeu ? Le faire descendre coûte que coûte ou être la personne qui voudrait que l'oiseau descende vers notre main ? Suivant votre réponse vous allez de vous-même élaborer des stratégies différentes. Bien sûr, nous ne pouvons que vous suggérer d'éviter la force et favoriser la coopération sur le mode de la récompense.

L'erreur fréquente est de demander tout trop vite. Ne pas perdre de vue le fait que venir lorsque vous n'en éprouvez pas une réelle envie demande de gros efforts. Organisez un environnement favorable de manière à faciliter les opportunités de coopération de votre oiseau. Récompensez toujours chaque action coopérative. Demandez-lui souvent de monter sur votre main à ce simple signal "Hello mon oiseau !" et remettez-le à sa place pour qu'il puisse poursuivre ses occupations. De cette manière il montera facilement sur votre main à votre simple signal. Mais si chaque fois qu'il vient sur votre main vous le remettez en cage, l'oiseau sera moins enclin à venir. C'est une façon maladroite de punir votre oiseau pour sa bonne participation. Lorsqu'il est nécessaire de remettre l'oiseau en cage, accordez-vous suffisamment de temps pour le récompenser par une ou deux minutes de votre temps et de votre attention ou par une friandise s'il est monté sur votre main.

Programmez vos séances d'apprentissage pour en faciliter le succès. Par exemple, assurez-vous de faire vos demandes au bon moment, et non quand votre oiseau se passionne pour un jeu ou quand il est occupé à manger. Assurez de faire de sa cage un lieu agréable, suffisamment grand, pourvu en jouets avec des moments de sorties de cage. En prêtant un œil attentif à ces antécédents et avec des conséquences positives votre oiseau choisira rapidement d'être sur votre main et venir à votre demande deviendra une habitude. C'est de cette façon qu'on peut demander à un oiseau de descendre du toit de sa cage ou de son perchoir, et ce, même quand il a autre chose en tête.


Conclusion

Nous ne saurons jamais quels sont les processus mentaux qui régulent les comportements observables de nos perroquets. Du point de vue humain, toute résistance est interprétée comme une lutte pour la dominance. Il va dépendre de notre compréhension sur ce qui motive l'oiseau d'agir dans un sens plutôt que dans un autre, d'adopter telle stratégie et d'ignorer certains comportements. Nous pensons que la quête pour la dominance est rarement une explication précise sur ce qui motive le comportement inadéquat du perroquet de compagnie. Les stratégies interventionnistes qui sont mises en place pour contrer ces comportements sont elles-même tellement dominatrices qu'elles ne sont pas sans dommages sur la bonne relation entre le maître et son oiseau. Trop souvent les processus qui sont la base des comportements sont interprétés par l’œil du propriétaire. Dans ce cas, nous nous éloignons de la relation amicale que nous pourrions avoir avec notre perroquet alors que si nous regardions notre perroquet avec un œil d'oiseau nous serions bien plus proche de lui. Les auteurs expriment leur sincère reconnaissance au Docteur Martha Hatch Balph et à Steve Martin pour leur partage des connaissances sur les comportements des oiseaux.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...